- I.R.A.
- I.R.A.I.R.A. (Irish Republican Army)Symbole du nationalisme irlandais et des aspirations à l’unification de l’île, le fantôme de l’Irish Republican Army (Armée républicaine irlandaise) n’a pas cessé de hanter périodiquement la scène au nord comme au sud du pays depuis la guerre d’indépendance.Si l’I.R.A. tire son origine du mouvement fenian du XIXe siècle, elle est directement issue des milices armées, les Irish Volunteers et l’Irish Citizen Army de James Connolly, qui se formèrent durant la Première Guerre mondiale et qui déclenchèrent l’insurrection de Pâques 1916. Lorsqu’il se confirma que les six comtés à majorité protestante du Nord ne feraient pas partie de l’État libre d’Irlande (1921), le parti Sinn Fein et l’I.R.A. décidèrent de continuer la lutte. Au bout de trois années de guerre civile, Eamon de Valera appela les républicains à cesser le combat (mai 1923). L’I.R.A., très isolée, regroupe alors les irréductibles. Elle maintiendra la tradition irrédentiste s’exprimant de manière violente, privilégiant l’action terroriste et l’organisation clandestine. Périodiquement, elle se manifeste par des campagnes (bombing campaign , 1939; 1956-1962) dont l’effet politique est faible, mais qui attirent sur ses militants emprisonnés la sympathie de la population.Dès la naissance du Mouvement pour les droits civiques en 1968, les unionistes du Nord dénoncent le retour de l’armée républicaine clandestine. Ils se trompent, mais, un an plus tard, leur aveuglement devant les revendications catholiques produit un nouvel avatar de l’I.R.A. qui, dès l’été de 1969, commence à «signer» ses premiers attentats. Celle-ci apparaît alors aux yeux de la population catholique comme seule capable de la protéger des exactions orangistes.Très vite, cependant, des dissensions apparaissent sur les modalités de l’action. Le scissionnisme, cette maladie endémique de l’Armée républicaine, se traduit, en décembre 1969, par la naissance de l’I.R.A. Provisional (provisoire). Tandis que l’I.R.A. Official (officielle), dirigée par Cathal Goulding, reste fidèle à l’idéal socialiste de James Connolly, l’I.R.A. provisoire, tiraillée entre plusieurs tendances, tend à devenir étroitement nationaliste, conservatrice, voire intégriste en matière religieuse. Son chef est Sean MacStiofain, en réalité un Anglais d’origine qui a pour nom John Stephenson. MacStiofain croit à l’action violente et, contrairement aux «officiels», compte sur le terrorisme pour amener les Anglais à quitter l’Irlande du Nord.Branche politique de l’I.R.A., le Sinn Fein se scinde lui aussi en fractions (officielle et provisoire). Mais, tandis que le Sinn Fein, reconnu comme parti politique, est une organisation légale, l’I.R.A. est interdite au sud comme au nord de l’île. Elle est cependant autorisée en Grande-Bretagne, ce qui facilite l’activité clandestine de ses membres.Malgré l’évolution de la situation politique en Irlande du Nord à partir de 1971, en particulier la dissolution, au printemps de 1972, du Stormont qui était monopolisé par les protestants, les «provisoires» poursuivent leur campagne terroriste.En mai 1972, l’I.R.A. officielle décrète un cessez-le-feu qu’elle observera ensuite à peu près. Son ambition est de jouer, désormais, un rôle politique dans le règlement qui se dessine pour la province. En juin, les provisoires annoncent, à leur tour, qu’ils suspendent leurs activités militaires et ils rencontrent secrètement, à Londres, le secrétaire d’État britannique à l’Irlande du Nord, William Whitelaw. Mais ils n’arrivent pas à adopter une ligne de conduite précise. Alors que les assassinats de catholiques se multiplient, les provisoires dénoncent la trève au début de juillet et reprennent leurs attentats. Le «vendredi sanglant», au cours duquel vingt-deux bombes explosent dans le centre de Belfast, fait onze morts et cent trente blessés, presque tous civils. L’armée britannique déclenche l’opération Motorman qui permet l’arrestation de près de deux cents responsables des provisoires.Au sud, le rapprochement entre Londres et Dublin incite le gouvernement irlandais à entamer une répression sévère contre l’I.R.A. MacStiofain est arrêté et entame une grève de la faim dans la grande tradition de la «vieille I.R.A.». Son action se révélera, cependant, assez dérisoire et ne grandira pas le prestige des provisoires. Au nord, l’hiver de 1972-1973 est marqué par des dizaines d’assassinats de catholiques et de protestants isolés.Aveugles à l’évolution politique de la situation, les provisoires poursuivent leurs coups de main. Chaque nouvelle étape en vue d’un règlement est ponctuée par un geste spectaculaire de leur part: le référendum sur la rectification des frontières de la province, qui permet aux protestants de manifester massivement leur attachement à la couronne britannique, est l’occasion d’un attentat à Londres qui rappelle les pires heures de la bombing campaign . En août 1973, une nouvelle vague d’attentats fait plusieurs dizaines de blessés en Angleterre. Les provisoires, traqués en Irlande, déclarent qu’ils vont «porter la guerre à Londres». La conférence tripartite de Sunningdale, en décembre, est elle aussi l’occasion d’une nouvelle vague d’attentats dont les répercussions politiques sont cependant faibles.Les gouvernements de Londres et de Dublin sont amenés à resserrer leurs liens dans la lutte contre le terrorisme. Les années suivantes voient se succéder des périodes de violence, avec des attentats qui gagnent l’Angleterre, comme la tuerie de Birmingham en 1974 ou le meurtre de lord Mountbatten en 1979, et des périodes d’accalmie, avec notamment l’action courageuse du Mouvement des femmes pour la paix, venues des quartiers tant catholiques que protestants de Belfast. Puis l’I.R.A. provisoire diversifie son action et retrouve une audience internationale avec le mouvement des grévistes de la faim qui, en 1981, fait dix victimes volontaires à la prison de Long Kesh, en Irlande du Nord.Il est de plus en plus évident que seul un règlement politique mettra un terme au terrorisme.Le processus de paix se poursuit parallèlement aux attentats. Le 15 novembre 1985, un accord anglo-irlandais institue une double tutelle garantissant les droits de chacune des deux composantes de l’Irlande du Nord. À la fin des années 1980 s’ouvre une nouvelle phase du processus de paix impliquant Londres et Dublin ; alors que les attentats de l’I.R.A., les assassinats des commandos loyalistes et la répression alimentent la spirale de la violence, le Sinn Fein demande à participer aux négociations et veut obtenir le droit à l’autodétermination pour le peuple irlandais. Les représentants de la république d’Irlande et de la Grande-Bretagne posent en préalable à la satisfaction de cette demande l’arrêt de toute action militaire. Le 31 août 1994, le commandement de l’I.R.A. prend alors la décision historique de décréter «une complète cessation de ses opérations militaires», suivi, le 13 octobre, par le commandement militaire loyaliste combiné qui déclare «cesser universellement toutes hostilités opérationnelles» en se fondant sur l’assurance qu’il n’y a pas remise en cause du statut de l’Irlande du Nord et sur la certitude que l’I.R.A. a effectivement déposé les armes. Le 21 octobre, à Belfast, John Major se dit «prêt à considérer le cessez-le-feu comme permanent» et annonce l’ouverture de discussions exploratoires avec le Sinn Fein.
Encyclopédie Universelle. 2012.